Immersion en langue régionale
Le président de la fédération Alsace bilingue, Pierre Klein, a adressé au Recteur de l’Académie de Strasbourg un appel à ouvrir des classes en immersion complète.
Appel à monsieur le Recteur
On se souvient qu’après le vote de la loi dite Molac qui consacrait l’enseignement immersif en langue régionale, le Conseil constitutionnel avait censuré « une méthode qui ne se borne pas à enseigner cette langue, mais consiste à l’utiliser comme langue principale d’enseignement et comme langue de communication au sein de l’établissement » en ce qu’elle serait en contradiction avec l’article 2 de la Constitution : « La langue de la République est le français ».
Le Conseil donnait donc un statut juridique ou politique à une méthode d’enseignement linguistique qui seul permet d’atteindre une équivalence de compétence entre la langue seconde et la langue première au bout de la scolarité primaire. L’immersion n’a en réalité qu’un statut pédagogique et n’exclut en rien un enseignement de la langue première, c’est-à-dire de la langue française. C’est simplement le début de l’enseignement de cette dernière qui est décalé pour des enfants qui de toute façon la parle déjà à leur entrée à l’école. Elle n’interdit pas en soi son usage en tant que langue administrative et de communication de l’école.
La méthode immersive a fait ses preuves à travers le monde, en France aussi. Les nombreuses évaluations effectuées laissent apparaître non seulement une bonne maîtrise de la langue seconde, c’est-à-dire en France de la langue régionale, mais aussi une bonne, voire meilleure maîtrise de la langue française. Ce résultat est obtenu par l’effet de plusieurs intervenants pédagogiques.
Le premier est le bain linguistique précoce et intense qui plonge l’enfant dans la langue seconde pour mettre en oeuvre un processus d’acquisition naturelle de la langue seconde selon la même méthode que la langue première, c’est-à-dire par reproduction, intuition et mimétisme. Ensuite, les langues premières et secondes sont placées au même niveau, sublimées toutes les deux. Cette non-hiérarchisation supprime l’idée auprès des enfants qu’il y a une langue qui vaut plus qu’une autre et ouvre ce faisant à l’investissement affectif de la langue seconde, une des clés de la réussite. Enfin, l’enfant qui apprend une langue seconde améliore sa langue première par l’effet de la contrastivité (différences et similitudes) par laquelle les deux langues s’enrichissent mutuellement.
Dans une circulaire du 14-12-2021 adressée par le ministère de l’Éducation nationale notamment aux rectrices et recteurs, il est précisé que l’« enseignement par immersion est une stratégie possible d’apprentissage de l’enseignement bilingue… La langue de communication utilisée par les personnels de l’école ou de l’établissement à destination des parents d’élèves et des partenaires institutionnels est le français. Le cas échéant et selon le contexte, la langue régionale peut également être utilisée en étant associée au français par des documents et une approche bilingues… ». En Alsace ce serait le cas, reprenant l’énoncé de la loi portant création de la Collectivité européenne d’Alsace, de la langue allemande sous sa forme standard et ses formes dialectales.
En vertu de cette circulaire, un enseignement immersif est d’ores et déjà mis en place dans l’académie de Bordeaux pour le basque et dans l’académie de Montpellier pour le catalan et d‘autres ouvertures vont s’y faire à la rentrée 2023. Où en sommes-nous dans celle de Strasbourg ? Son recteur a annoncé quatre ouvertures à venir. Envisage-t-il une immersion complète ou une immersion partielle, autrement dit tiendra-t-il à ce que la langue française soit néanmoins présente dans l’enseignement à hauteur d’un certain pourcentage dans le cycle immersif ? Dans ce cas les avantages de l’immersion ne seront pas obtenus et l’Alsace serait en retrait par rapport à d’autres. Elle n’a pas à faire moins bien.
Monsieur le recteur, nous vous prions d’ouvrir à la rentrée 2023 ces quatre classes en petite section de la maternelle en immersion complète, dans le strict respect, cela va de soi, de la circulaire ministérielle, respect qui pourrait être garanti par une convention d’une part avec le conseil d’école des écoles concernées et d’autre part avec la Collectivité européenne d’Alsace.
Et en amont, nous vous prions d’organiser une large information sur les valeurs de l’enseignement immersif auprès des parents qui à l’heure actuelle ne disposent pas véritablement d’une culture autour de ce sujet et encouragez-les à l’adopter pour le grand bénéfice de leurs enfants !
Pierre Klein, présidant de la fédération Alsace bilingue
4 février 2023